D’un collectif à l’autre

« Je m’appelle Carmen Torrès. Je suis infirmière en psychiatrie. J’aime beaucoup mon métier. Je travaillais depuis deux ans dans une petite unité, reliée à un hôpital de province.

Cet après-midi, j’ai donné ma démission. 

Y’a pas de travail dans le coin, j’ai peur de ne pas en retrouver d’ici longtemps, mais j’ai quand même donné ma démission.

Il le fallait. » 1

Lorsqu’en juin 2016, Madeleine Esther nous a lu sa pièce, J’ai retrouvé mon grand-père dans un hôpital psychiatrique,nous étions en plein cœur du Centre Hospitalier de Montperrin, à Aix-en-Provence, dans une salle de formation continue assez impersonnelle. Notre lieu de réunion mensuelle. Nous étions une dizaine de membres de l’association Serpsy (Soin études et recherche en psychiatrie), tous soignants. Un grand silence a succédé à sa lecture. Le D.J. était une cigale. Il était vingt heures. La réunion durerait encore trois heures.

« Il le fallait. »

Qu’est-ce qui peut bien inciter une infirmière à démissionner ? Une infirmière investie. Une infirmière qui a une haute idée du soin et de la relation avec les patients.

Démissionner ? Au sein du collectif rassemblé, on trouve des infirmières, des psychologues, des cadres et cadres-supérieurs, une éducatrice spécialisée, des arts-thérapeutes, des enseignants d’IFSI. Ils viennent de toute la région PACA : Edouard Toulouse, Valvert, Montperrin, Montfavet, Pierrefeu et même de Laragne situé à une heure trente d’Aix-en-Provence. Démissionner ? On y trouve des retraités, une prof d’université, des humanitaires, des psychothérapeutes, des superviseurs d’équipes. Tous viennent en plus de leur travail, à leur frais. Pas un n’accepterait de défraiement. Ils ont en commun la clinique et une certaine idée du soin. Démissionner ? Certains se réfèrent à la psychothérapie institutionnelle qui survit de plus en plus difficilement dans leur établissement, d’autres se reconnaissent dans les théories de Lacan, d’autres se définissent comme des groupalistes. Certains ont les mains dans le soin, se battant au quotidien contre les isolements et contentions, d’autres, plus à distance accompagnent les élaborations cliniques de leurs collègues, d’autres encore participent à la formation initiale et continue. Démissionner ? Quelque chose, à cet endroit-là, ne passe pas.

Les plus anciens ont vu les soins se dégrader, ils ont assisté à la réapparition des contentions utilisés maintenant en routine, en dernier recours organisationnel. Ils passent de plus en plus de temps sur l’ordinateur à cocher des croix en temps réel, ils rencontrent de moins en moins les patients. Les effectifs des C.M.P. et des C.A.T.T.P. se réduisent comme des peaux de chagrin. Il est même question d’en fermer certains l’été. Ils résistent. Ils persistent à militer pour un soin qui prenne en compte la singularité de chacun. Ils se fracassent contre les normes, les protocoles, les parapluies ouverts pour supprimer tout risques médico-létaux. L’initiative et la surprise sont proscrites.

Démissionner ? La tentation se fait chaque jour plus insistante. L’un des quatre fondateurs de l’association a démissionné. Le harcèlement de son administration a eu raison de sa motivation. Co-animateur du groupe de recherche en soins, il a alterné les missions humanitaires en Palestine et ses responsabilités de clinicien. Il est devenu restaurateur puis éditeur en continuant à garder un œil sur le soin. Le groupe parisien a abandonné la clinique pour la lutte syndicale et politique. Ils sont aujourd’hui au sommet de la Fédération Santé.

Démissionner ?

« Il le fallait. »

La pièce écrite par Madeleine Esther est une tragédie à l’échelle du quotidien. Elle concerne chacun, bien au-delà de l’hôpital psychiatrique et même des lieux de soin. Chacun de nous est confronté à la perte de sens qui sévit dans nos lieux de travail, chacun se sent amoindri car réduit à la non-place de variable d’ajustement.

Démissionner ?

Nous avons décidé d’incarner les personnages de la pièce. Ils nous ressemblaient trop. Nous aimerions tant être des héros qui résistent envers et contre tout à cette lente désagrégation de notre part d’humanité, nous ne sommes hélas que nous-mêmes. Nous avons décidé de jouer la pièce lors de notre journée de février 2017.

« Il le fallait. »

On ne sait jamais

Le rideau s’ouvre sur la relève des équipes de nuit et de jour. Nous sommes dans la salle de soin. Il est sept heures du matin. Deux infirmières (Dorothée et Carmen) et trois aides-soignantes (Sigunga, Mélissa et Isabelle) échangent autour de l’arrivée nocturne de M. Fuentes, un patient espagnol délirant, amené par les flics. Il ne parle pas français. Il n’a aucun papier. Il ne porte qu’un survêtement à même la peau, sans slip, ni chaussettes. L’équipe de nuit a profité de la présence des policiers pour l’attacher. Il n’était pas agité mais on ne sait jamais.

Carmen explose : « Pourquoi ne sont-ils pas passés par les Urgences ? C’est la procédure. Les flics n’ont pas le droit d’entrer à l’hôpital. On n’a rien à faire avec eux. Ils le savent d’ailleurs. Sauf à notre demande. »

Ses collègues sont dans leurs petits souliers. Sigunga, l’aide-soignante de nuit réplique :

« Commence pas ! Le moindre truc et tu montes sur tes grands chevaux. C’est pas si grave après tout. Et puis ça nous rassure. Ils étaient trois policiers avec le patient, et nous la nuit on n’est que deux. Deux femmes en plus. Le costume de flic ça en impose. D’ailleurs il s’est laissé faire. »

Le protocole prévoit une prise de sang.

Carmen décide de la reporter au lendemain. C’est dimanche, il n’y a pas d’urgence :

« Je suis là demain matin. Je n’ai pas envie de piquer quelqu’un de délirant que je ne connais pas et qui ne sait pas qui je suis, dans une chambre d’isolement. […] Vaut mieux attendre de faire connaissance. »

Sigunga réplique en miroir :

« Mais il ne parle pas français. Tu te compliques la vie, tu sais. Attaché c’est plus facile.

-Tu trouves. Ce n’est pas mon avis. Je baragouine quelques mots d’espagnol. S’il parle je pourrais comprendre. Il faut d’abord faire connaissance. Qu’il accepte la prise de sang, je lui expliquerai pourquoi on lui fait. »

Carmen, âgée de cinquante ans, fait fonction de porte-idéal. Elle ne s’y prend pas toujours très bien. Elle agace souvent ses collègues qui respectent néanmoins ses compétences. Dans cette première scène, elle apparaît un peu péremptoire. Dorothée, sa collègue infirmière, ne lui répond jamais directement et laisse Sigunga lui répliquer.

Malgré ces différences de point de vue sur le soin, l’équipe s’entend bien. C’est une bonne équipe dit Carmen qui n’y sent pas de mauvais esprit. Sigunga fournit ses collègues en parfum et fanfreluches bon marché. Autour d’une clope, Isabelle, l’aide-soignante, évoque sa vie personnelle et le départ de son mari après trente ans de vie commune. Elle revient ensuite à la vie du service :

« Tu sais ici on n’a pas toujours travaillé comme ça. C’est depuis l’ouverture du nouveau bâtiment. Il y a deux ans.

– C’était comment avant ?

– Peux pas te dire. On avait plaisir à travailler. C’était plus ouvert. Moins de patients aussi. Une petite unité, et une petite équipe. Avec ces portes fermées, tout a changé. On se sent un peu isolé aussi. »

La pièce raconte le parcours de M. Fuentes sans que jamais il n’apparaisse sur scène. Il en va de même pour les médecins et le directeur de l’hôpital. On en parle. Leurs décisions s’imposent mais on ne les voit pas. C’est le choix de la narratrice. Nous sommes à hauteur d’équipe. Il ne manque à la distribution que Nathalie, le cadre, et Laurent, l’ASH, seul homme sur scène.

« C’est un hôpital ici ! »

M. Fuentes ne demande jamais rien. Les soignants ont un peu tendance à l’oublier. Il est sorti assez vite de la chambre d’isolement. Carmen parle régulièrement avec lui. En espagnol. Huit mois se sont écoulés. Il faut le faire sortir. Nathalie, le cadre, résume la situation à Laurent : « Il coûte trop cher. Il n’a pas de sécu, et on n’arrive pas à trouver une solution avec l’ambassadeÇa fait huit mois qu’il est là. Tu calcules ce que ça fait à 450 euros par jour ? Et c’est l’hosto qui paie. Le directeur m’a appelée. Il faut que je trouve une solution. » Cent huit mille euros c’est une somme, c’est un argument de poids. Laurent argumente : « On parlait de le rapatrier. Qu’il retourne dans son pays. Avec des gens qui parlent sa langue au moins. C’est pas loin l’Espagne. Une heure pour Séville. Y’en a qui font l’aller-retour pour un week-end. C’est pas loin. » Nathalie s’agace : « Il ne veut pas. Il dit qu’il ne veut pas. » Laurent insiste : « Oui, mais on ne sait pas vraiment en vrai ce qu’il ne veut pas. C’est peut-être autre chose qu’il dit quand il dit qu’il ne veut pas. … Je dis ça moi. Je ne sais pas. » Laurent, ancien patron boucher, ne s’en laisse pas compter. « Le directeur est catégorique. La note est trop élevée. Il faut arrêter l’hémorragie. » Ses arguments cliniques sont balayés. « C’est tout simple, poursuit le cadre. On va ouvrir les portes et le laisser partir. » Laurent s’esclaffe : « En janvier, quand vous avez voulu le faire sortir la première fois, les infirmières ont refusé. Il faisait moins dix dehors le matin en pleine campagne. » Nathalie est inébranlable : « Il fait doux en ce moment. On lui préparera un sac. Avec des sandwichs. »

« Mais il n’a pas un sou ! »

« Tu veux le prendre chez toi ? Lui donner cent euros peut-être ? Cette fois-ci Nathalie s’énerve : «  Il s’est débrouillé pour venir jusqu’ici, il trouvera bien les moyens pour aller où il veut. […] On ne va pas le garder juste parce qu’il est sympa, quand même ! C’est un hôpital ici. » Nathalie fait bien de le rappeler. On aurait pu oublier la dimension d’hospitalité contenue dans le mot hôpital.

« Carmen travaille tout à l’heure. Tu vas lui en parler ? Elle s’en est beaucoup occupée. Elle est même venue pendant ses repos pour parler avec Séville. Elle disait qu’elle avait pris un rendez-vous dans un centre médical, là-bas, pour lui. Non ? […) Elle pourrait l’accompagner. En deux jours c’est fait. […] Elle arrive à treize heures. Tu pourrais voir avec elle. »

Nathalie a tranché. Il ne sert à rien de discuter. Le directeur est formel. Il ne donnera pas un sou de plus. Elle est cadre, elle se plie à sa volonté. Pas question d’en parler avec Carmen.

« C’est pour ça qu’on a décidé de le faire demain matin. Elle ne sera pas là, elle est d’après-midi. Ça sert à rien d’attendre et de discuter. On a vu le patient avec le médecin, on lui a expliqué.

-Mais vous ne parlez pas l’espagnol. Ni l’une ni l’autre, tente Laurent une ultime fois. Tu crois qu’il a compris quelque chose ? »

Le cadre hausse les épaules. Et sort.

Laurent, l’ash, a essayé de retarder l’inéluctable. Comme ses collègues infirmières et aides-soignantes. Un collectif en lutte contre l’ignominie. C’est ce que raconte Carmen, installée à l’avant-scène.

« L’homme n’a pas un sou en poche, pas de famille en France, ne parle pas le français, ne connaît pas la France. Il est arrivé chez nous par hasard […] au bout d’une errance qui dure depuis trois ans qui l’a mené en Hollande puis en Belgique. […] Longtemps il n’a pas parlé, muré dans ses visions intérieures, et extérieures, nous regardant de loin. Il attend qu’on le laisse repartir. Lui écoute les ordres du peuple d’en haut, cosmique, dans une langue qu’il invente et qu’il est le seul à entendre. Il attend qu’on finisse de jouer avec lui. La pression monte du côté de la direction. Elle trouve qu’il coûte un peu cher le vagabond. […] C’est un dimanche, au mois de janvier, le médecin en charge de ce patient demande à l’équipe infirmière d’ouvrir la porte, de lui préparer un baluchon, un sandwich, quelques cachets et de le laisser partir. L’homme est toujours délirant, scotché aux étoiles, peut-être ne sait-il pas dans quelle ville il est. […] Les infirmières sont stupéfaites, il fait moins dix le matin dehors, l’hôpital est à trois quarts d’heure de la gare, à pied. Elles refusent en commun d’ouvrir la porte. L’homme a un sursis qui va lui permettre d’avoir un passeport, fourni par le consulat.

Il faut quand même dire que lorsque nous sommes allés à la capitale, l’assistante sociale, le vagabond espagnol et moi-même, pour exposer la situation au consulat espagnol, trouver une solution, lui faire des papiers, avant de partir le médecin et la responsable du service nous signifièrent clairement de le « déposer » devant la porte et que le consulat s’en occupe. J’étais du voyage volontairement, pour empêcher que l’un de nous, soignant, oui c’est le mot, ne soit emporté par l’injonction hiérarchique. Pour éviter cet acte qui nous ferait honte.

Evidemment nous sommes revenues avec lui, qui ne nous avait pas quittées d’un centimètre dans les rues de Paris. […] On s’est pris un de ces savons ! Ils avaient même déjà donné son lit à quelqu’un d’autre. »

Une partie de l’équipe résiste à l’injonction mais ça ne va pas de soi. « On s’engueule entre équipes. Il y a ceux qui sont d’accord, les porte-paroles de cette obsession de le foutre dehors. Il y a toujours de petites mains pour faire la sale besogne. »

M. Fuentes est donc sorti. On retrouve les mêmes soignantes lors de la relève. Sigunga exprime sa colère :

« Mais c’est dégueulasse. Ils ont fini par y arriver. On peut faire ça nous ? Jeter quelqu’un dehors ? »

« On a fait ça nous ?

– Oui, on a fait ça. 

J’ai l’impression que nous l’avons abandonné. »

Carmen a démissionné.

Ses collègues reprennent ses critiques du système et les opposent au cadre qui a perdu leur respect :

« Elle dit que mettre des croix dans des cases ça rend idiot, parce qu’on n’a plus besoin de parler et du coup ça nous rend idiot de ne pas trouver les mots de ce qu’on a à dire. Que ce métier est riche de ça, et que toute cette fausse nouveauté l’appauvrit, nous rend serviles. Qu’on ne comprend plus rien aux choses quand on met des croix dans des cases. Parce qu’on n’est plus au contact, des choses et des gens. Et que c’est ça ce métier d’abord. »

Carmen a démissionné. Madeleine Esther aussi. Elle a brassé tous les éléments de son vécu hospitalier pour en faire une pièce de théâtre, celle dont je vous ai lu quelques extraits. Madeleine n’est pas Carmen même si elle lui ressemble par certains côtés. Elle est tout autant Sigunga que Dorothée, M. Fuentes ou la cadre.L’histoire de M. Fuentes constitue un fil rouge mais le quotidien hospitalier n’est pas oublié. Nous nous sommes reconnus dans son évocation.

Une pièce à jouer

La lecture de la pièce a pris une heure et quart. Il faut préciser que Madeleine, à la différence de Carmen, est aussi comédienne et metteur en scène. Transposition ? Sublimation ? Chacun tranchera après avoir vu ou lu la pièce. Il lui importait que cette histoire ne reste pas dans les méandres de l’institution. Aussi vite oubliée que M. Fuentes. Madeleine a joué tous les personnages alternativement. Je me suis contenté d’en lire les didascalies. Ainsi que je l’ai dit, en introduction, une partie d’entre nous n’a pas supporté la démission de Carmen. Un débat assez nourri a opposé les uns et les autres. Très vite, est apparue l’idée que nous pourrions la représenter en février 2017 lors de la journée que nous organisons une fois par an à Montperrin.

Anne-Laure, l’éducatrice, a immédiatement souhaité jouer Mélissa l’aide-soignante. Jacqueline, un cadre à la retraite, s’est rapidement reconnue dans le personnage de Carmen. Olivier, le cadre-supérieur, a tenu à incarner Laurent l’homme de ménage. Claire joua le rôle de Dorothée, l’infirmière confrontée à l’inceste. Le rôle le plus difficile à attribuer fut celui de Nathalie, la cadre. Vannina, jeune cadre qui venait d’être nommée, ne se reconnaissait pas dans cette administrative qui obéit aux injonctions le petit doigt sur la couture du pantalon. Elle ne voulait pas non plus qu’un non-cadre joue ce rôle par crainte de la caricature. Elle a donc relevé le défi et apporté une certaine complexité au personnage. En dehors d’Olivier, aucun d’entre nous n’avait d’expérience du théâtre. Madeleine ne souhaitant pas mettre en scène la pièce, il fallut donc trouver quelqu’un pour la mise en espace et la direction d’acteur. J’assumais cette position. Aidé lors d’une séance par Françoise Guiol, une comédienne art-thérapeute.

Les collègues ne voulaient pas une simple lecture mais souhaitaient incarner ces personnages, leur donner corps. Il fallut donc répéter. Collectivement. Comme nous habitons dans tous les coins de la région PACA, Jacqueline habitant même à Sète, il fallut faire coïncider les agendas de neuf personnes, ce qui fut tout sauf simple. Seule la dernière répétition rassembla toute la troupe. Chacun eut ainsi à jouer plusieurs rôles le temps d’une répétition. Cette contrainte permit à chacun de connaître les différents personnages, leur logique, ce qui les mettait en mouvement et contribua finalement à enrichir le jeu. N’ayant pas de lieu de réunion, en dehors de la formation continue à Montperrin, inaccessible en journée, nous nous retrouvâmes chez les uns et les autres pour répéter. Naquit ainsi une convivialité jusqu’ici inconnue au sein de ce collectif clairement centré sur la clinique et peu sur les relations interpersonnelles. Reçus par les collègues chez eux, nous fîmes connaissance de leur cadre de vie, des conjoints, des enfants, présents le soir ou le dimanche. La cohésion du groupe en fut renforcée. Nous pûmes ainsi plus facilement porter un regard critique sur les façons de jouer et nous caler les uns aux autres selon les répliques que nous devions échanger. Nathalie doit-elle regarder Laurent quand elle répond à ses objections ? Quel langage corporel doit-elle adopter ? De quelle position Carmen doit-elle proférer ses envolées lyriques ? Où placer Dorothée et Carmen lors de la scène initiale ? Les comédiens ont accepté de se faire objet du metteur en scène mais sans perdre leur esprit critique. Ainsi Olivier répond-il à ma proposition de tourner autour de Nathalie chaque fois qu’il lui oppose un argument : « Je le sens pas. Je ne peux pas lui tourner autour. Je trouve que ça ralentit la scène. Je peux suivre le rythme du balayage comme si c’était le balai qui me donnait à penser mais lui tourner autour, non. » Nous avons joué la scène des deux façons puis gardé la proposition d’Olivier. Au-delà de la pièce, chacun a ainsi pu se décaler de sa façon de jouer son rôle de soignant. Réfléchir autrement sa façon d’être présent à l’autre.

L’amphithéâtre où nous devions jouer la pièce n’étant disponible que la veille de la représentation, nous dûmes improviser les décors et notre déplacement à l’intérieur de ce décor. Tout comme les jeux de lumière. Chacun ramena une blouse blanche, des dossiers et les éléments du décor de son lieu de soin. Certains artifices de mise en scène ne trouvèrent solution que ce soir-là. Ainsi Carmen fit-elle sa dernière longue déclaration hors scène, en descendant les marches de l’amphi en semblant s’adresser à chacun.

Nous jouâmes donc la pièce le 3 février 2017 devant plus de 230 personnes et Madeleine Esther. Dire que nous fûmes au top serait exagéré. Nous n’avions pu tester les micros, nous dûmes le faire au cours de la représentation. Certains connaissaient par cœur leur texte, d’autres non. Il fallut improviser jusqu’à la fin pour gommer les quelques approximations. A l’arrivée ce fut un succès. Les collègues qui commençaient habituellement à partir dès 15h30 pour rentrer chez eux, restèrent bien au-delà de 17 heures. Le débat entre les comédiens et les spectateurs fut très riche. Madeleine expliqua le contexte d’écriture de la pièce. Chacun se sentit touché parce ce qui s’y racontait avait des prolongements avec leur vécu de soignants. Les patients passent de plus en plus souvent après les considérations économiques. L’hôpital apparaît de moins en moins comme un lieu de soin. Ils donnèrent quelques exemples. On peut dire qu’elle opéra comme une catharsis. Madeleine nous expliqua qu’elle avait longuement hésité quant à la pièce. Qui devait la jouer ? Des comédiens professionnels ou des soignants ? Les deux possibilités furent envisagées. Elle fit le constat que des soignants n’avaient pas besoin de jouer des situations qui leur étaient familières. Bien sûr, n’étant pas comédiens, ils pouvaient pécher ici ou là dans leur jeu, se dépêcher d’expulser leur tirade sans regarder le collègue, connaître des baisses d’intensité dans le rythme à impulser à la pièce mais globalement ils jouaient juste parce que leur corps savait comment se positionner, ce que des comédiens professionnels n’auraient pu qu’ignorer.

Nous n’avons jamais rejoué la pièce mais ne désespérons pas de le faire. Des contacts sont pris, nous verrons.

Cette mise en danger assumée, ce péril partagé renforça notre collectif qui traversa quelques soubresauts en septembre. Le lien éprouvé à cette occasion nous permit de faire face à une tentative de clivage émanant d’un autre collectif qui nous était lié. Mais ça c’est une autre histoire.

J’étais en train de réfléchir à cette présentation quand ce mercredi, je me rendis dans un des services où j’interviens comme superviseur d’équipe. Les collègues me racontèrent une situation très proche de celle de M. Fuentes. Wlad, un patient d’origine balte, sans papier, après un traumatisme crânien qui le laisse aphasique est diagnostiqué schizophrène par un urgentiste débordé. Il est donc livré à la psychiatrie qui doit s’en occuper. Le problème est qu’il ne souffre pas de trouble psychiatrique mais uniquement de troubles neurologiques et des conséquences somatiques de l’accident de la circulation qui l’a laissé à demi-mort sur la route. L’équipe s’en occupe du mieux qu’elle peut. Grabataire à son arrivée, il a recouvré la marche, il tient sa place dans la vie de l’unité. Les soignants ont retrouvé trace de sa famille en Estonie. Un contact a été rétabli mais aussitôt interrompu. Wlad est considéré comme mort dans son pays. Sa femme s’est remariée et a eu deux enfants de ce deuxième mariage. La situation devient insoluble. Cela fait cinq ans qu’il est hospitalisé. Son état somatique se dégrade de plus en plus malgré une volonté de fer. Il doit être régulièrement hospitalisé à l’hôpital général pour différentes opérations. Il court un sérieux risque de tétraplégie. Les équipes de M.C.O. tendent à le délaisser. C’est un « psy » n’est-ce pas ? Il rentre parfois sans avoir eu sa consultation. L’équipe est inquiète. L’hôpital où ils exercent subit une énième restructuration. Du médecin aux ASH, en passant par la psychologue, le cadre, les infirmières et les aides-soignantes, tous craignent de ne plus pouvoir être suffisamment nombreux pour continuer à proposer les soins de nursing que l’état de Wlad exige. Ils aimeraient qu’un service de soins somatiques prenne le relais. Ils ne peuvent quand même pas l’abandonner à la porte d’un service d’urgence ou dans la forêt. Que faire ? Je leur ai raconté l’histoire de M. Fuentes.

Pour conclure

Pas de happy-end, ni de miracle. Nos lendemains ne chantent pas. Juste la grise et froide réalité des normes qui broient ce que nous avons de meilleur en nous. Et notre capacité à résister collectivement.

« Je m’appelle Carmen Torrès. […] Cet après-midi j’ai donné ma démission. Il le fallait. […] J’avais l’impression de devenir complice d’actes que je réprouvais en moi-même. Je perdais l’estime envers mes collègues, la confiance envers les médecins. Je ne savais plus de quoi était fait ce métier. Soigner la folie, c’est complexe. Dans cette affaire, il faut de la délicatesse, de la patience, laisser le temps agir. Y revenir. Etre précis dans les actions et les discours. On ne peut pas être seul pour faire ça, il faut toute une équipe et aussi une pensée de ce qui se fait. »

Dominique Friard, I.S.P., Superviseur d’équipes.

1 ESTHER (M), J’ai retrouvé mon grand-père dans un hôpital psychiatrique, Editions Digobar, Paris, 2016.

 Le coup de la panne 

Cubells Julie, infirmière, centre hospitalier de Montfavet.

Nous sommes sur l’autoroute, dans un mini bus de l’hôpital, il fait chaud, c’est l’été. Nous revenons de la sortie thérapeutique la plus importante de l’année, soit 4 patientes pour 5 soignants, un mois d’Aout…c’est un exploit ! De plus, cette sortie sort du rang, il s’agit d’une sortie dans un parc d’attraction, rien de culturel ! Juste de quoi s’amuser, bon… On avait aussi quelques arguments cliniques pour la justifier. Mais surtout, c’était de faire quelque chose de différent avec les patientes, de se faire plaisir, certains diront un retour en enfance, de tester de nouvelles sensations, de se mettre en mouvement….Et puis, pour une fois que l’on peut sortir hors des murs….

Dans le camion sur le chemin du retour, on discute de la journée, de la bataille d’eau improvisée, du fait que j’ai peur du vide mais que Marie m’a permis de surpasser un peu cette peur. Marie c’est la patiente qui a souvent besoin de réassurance dans le pavillon, et c’est elle qui me rassure, à 10m du sol dans un drôle d’ascenseur à ciel ouvert, qui me dit : «  tout va bien se passer ». Nous papotons … Puis il y ce bruit répétitif, les tremblements, nos regards qui se croisent et notre « Il faut qu’on s’arrête ! », ce que nous faisons… sur le bord de l’autoroute ! Il est 17h30.

Je descends pour évaluer les dégâts, le pneu est littéralement déchiqueté, forcément à 130 km/h ça ne pardonne pas. J’informe mes collègues et les patientes par la même occasion. Nous roulons quelques mètres jusqu’à une « aire de secours », pour changer la roue ! Mais c’est là, que tout se complique !!! Nous avons une bombe anti crevaison, une roue de secours, de l’eau, du chocolat, des biscuits, des clopes, dans un mini bus de l’hôpital, avec 4 patientes et cinq soignants … On pourrait se dire « no problem »? Sauf que les 4 patientes sont en soins à la demande d’un représentant de l’état, que l’ordre de mission est valable jusqu’à 18h, que deux de mes collègues travaillent de matin le lendemain, que la dernière prise de traitement était à midi, qu’il n’y a pas de cric pour changer la roue et qu’il n’y a pas de numéro d’assistance dépannage sur le camion.

OUPS!!! Oui, nous aussi nous avons souri de la situation quand nous avons prévenu nos collègues dans l’unité… un peu moins quand nous avons eu à faire au cadre de garde… Qui devait nous rappeler… Bon finalement, nous avons utilisé la borne orange. Pour info, la durée de vie au bord de l’autoroute est de 15 à 20 minutes pour un piéton. Alors, nous n’étions pas vraiment piétons, mais je dois dire que l’idée qu’une patiente puisse s’agiter et partir sur l’autoroute m’a rapidement traversé l’esprit.

Heureusement, nos 9 corps sont restés assis derrière la rambarde de sécurité. Casquette sur la tête pour les patientes, eau, chocolat, clopes en illimité, blague sur cette fin de journée quelques peu mouvementée et des sourires parfois crispés parce que je sais que si ça dégénère, ce sera catastrophique. Inutile de le dire à mes collègues nos regards en disent long… 45 minutes plus tard… arrive le dépanneur qui lui a un cric, il change la roue puis il nous demande de régler la facture ou bien de lui donner un numéro de dossier pour prendre en charge le dépannage. Et bien sûr, nous n’avons aucun des deux… Alors, énième tour de manège de la journée, mais cette fois sur la dépanneuse. Car faute de paiement le dépanneur nous accompagne jusqu’ à son garage en attendant que quelqu‘un veuille bien nous donner un numéro d‘assistance…

Très Honnêtement, je suis en colère et angoissée par l’idée que si je m’énerve franchement, cela va forcément se répercuter sur les patientes. D’ailleurs, elles n’ont pas l’air stressé, elles sourient de la situation.

Ironie du sort, j’ai travaillé dans un atelier de carrosserie, dans une autre vie. Je fais appel à mon réseau personnel pour trouver le numéro de l’assistance. J’apprends que l’hôpital a une assistance médiatique alors je me permets un peu d’humour noir avec mon interlocuteur… du genre « restez en ligne si une patiente traverse l’autoroute on risque d’avoir besoin de vous!!! »

Puis finalement, après une heure de coups de téléphone intensifs, nous avons fait le numéro de mondial assistance, qui avec le numéro d’immatriculation du mini bus, nous a confirmé qu’il était notre « assisteur ». Grace à une rapide explication de la situation et un échange avec le dépanneur, nous avons pu repartir et raccompagner les patientes dans l’unité.

Il est alors 20h30, nous installons les 4 patientes pour le repas avec les collègues d’après-midi en poste dans l’unité. Et elles sourient, elles nous remercient, nous disant que c’était une super journée, qu’elles ne changeraient rien et que « heureusement que nous étions là ».

Alors bien sûr, dans cette histoire il y a aussi l’inquiétude des collègues dans l’unité. Le fait qu’eux aussi ils se démènent pour nous aider, jusqu’à appeler le directeur d’astreinte pour que quelqu’un nous viennent en aide. Parce que les solutions apportées étaient complètement inadaptées. On nous a proposé qu’une ambulance viennent nous chercher mais en Véhicule Léger soit 4 places.

Alors petit calcul : deux soignants pour une patiente, soit 4 allers-retours. Mais franchement, ça personne n’y a pensé. Parce que finalement, on l’a eu notre numéro d’assistance.

Avant de rentrer chez nous, on a eu besoin de déposer ça, dans les murs, de ne pas le ramener chez nous… Avec ma collègue on s’arrête pour discuter avec le cadre de permanence, pour débriefer… Et il se trouve, que lui aussi à des choses à nous dire… Il fallait attendre, lui laisser le temps de trouver le numéro et puis il y avait d’autres choses à gérer (une autre panne, décidément …) et l’arrivée d’un détenu sur l’hôpital… on finit par lui dire que les minutes assis derrière son bureau ne sont pas comparables à celles passées au bord de l’autoroute et que l’on voit bien que notre présence l’exaspère. Il finira par nous dire que l’on parlera de ça demain avec notre cadre, qu’il a fait ce qu’il fallait ! Fin de la discussion… Deuxième fois de la journée que je me retrouve assise par terre, cette fois sur le trottoir devant le bureau de la PCI avec ma collègue, une clope au bec (je commence à comprendre pourquoi les patientes fument autant…), anesthésiée, fatiguée, brulée par le soleil… A nous dire, que nous ne sommes que des matricules que l’on considère comme de la merde… Mais petite satisfaction, nous avons géré la situation et les patientes vont bien !

Les patientes d’ailleurs…elles parfois si bruyantes, agitées, éclatées, délirantes, c’est elles qui nous disaient: ça va aller, vous voulez boire? Fumez une clope ça va vous détendre…elles assises derrière la barrière, qui sourient de la situation, non sans une certaine inquiétude. Mais, pas sûr que l’inquiétude que nous avons perçue soit la leur. Elles ont gardé, toutes, un excellent souvenir de cette journée, de nos péripéties, aucune angoisse, le lendemain elles en rigolent avec nous, nous sommes unis par le fait d’avoir vécu cette aventure.

Mais il y a tout de même quelque chose d’inacceptable, du moins du point de vue des soignants ! Faire une fiche d’événement indésirable ? Pourquoi ? Quand nous avons voulu dire, nous avons eu le sentiment de perdre notre temps, de ne pas être entendu? Alors quoi en dire ? Crier, chercher des fautifs, des responsables à la situation… la tentation est forte.

Michela Marzano écrit: « l’homme aussi crie. Non seulement lorsqu’il naît et qu’il marque son apparition hors du corps de la mère par un cri dont il n’a pas conscience; non seulement lorsqu’il est un bébé et qu’il hurle pour exprimer ses besoins et ses désirs, ses plaisirs et ses détresses; mais aussi à chaque fois que la parole lui fait défaut, que les émotions le dépassent, que le langage lui montre ses failles et ses limites. On peut crier pour appeler quelqu’un au secours. On peut hurler de joie ou de douleur. On peut crier comme un fou ou comme un damné. On peut crier parcequ’on à tort et qu’on veut couvrir la voix des autres. Mais on peut aussi crier parcequ’on n’est pas écouté et qu’on n’a pas d’autres moyens pour manifester son désespoir et pour se faire entendre; on peut crier après quelqu’un; on peut crier à l’oppression, au scandale; à l’injustice.»1

Un de mes collègues, a propos de mon intervention m’a dit : « Par quel bout souhaites-tu prendre cette situation ? Dire que certains cadres sont des incompétents, que tout le monde le sait et que personne ne fait rien ? Non, non, non, pas de raccourci. Cette remarque a eu le mérite de me remettre en mouvement. Au lieu de rester bloquée sur ce qui n’a pas était fait, plutôt se poser la question de savoir qu’est ce qui a fait que la situation n’a pas dégénéré ? Ce ne sont pas les murs, cette fois, qui ont été contenants (expression que j’entends souvent dans mon unité), c’est nous l’équipe. Pendant, que certains gèrent les coups de téléphone, d’autres collègues sont auprès des patientes, ils expliquent, rassurent, donnent du sens à ce qui se passe, ils sont attentifs, ils observent… Nous faisons corps, tous …

De plus, « C’est dans et par son corps qu’on s’inscrit dans le monde et qu’on rencontre autrui. »2 dit Michela Marzano.

Ce jour-là, ce fut une deuxième rencontre avec les patientes, parce que finalement nous les voyons rarement en dehors des murs de l’unité. Accompagner vers l’extérieur ce n’est pas la priorité au quotidien. On travaille l’auto ou l’hétéro agressivité, les troubles du comportement, on accueille des patientes extrêmement délirantes et résistantes aux traitements, on nous considère souvent comme le dernier recours… et oui, bienvenue aux UMD. Mais ce jour-là, la violence ne venait pas des patientes. A quel moment l’institution se met à fonctionner en miroir avec les patients ? Eclatés, morcelés, persécutés, avec des idées mégalo ? Ce jour-là, c’est Marie qui rassure, c’est Iris qui d’habitude se croit issue d’une riche famille qui se demande comment on va faire pour rentrer à l’hôpital, C’est Elizabeth souvent dans la démonstration dans l’unité qui reste discrète et c’est Sabine qui n’est pas sortie de hôpital depuis 10ans, orientée dans notre unité suite à une recrudescence d’hétéro-agressivité après la fausse couche de ses jumeaux qui sourit.

Alors, plusieurs options, se dire que cette histoire n’est qu’une suite de malencontreux événements, se dire qu’en effet au lieu de pondre un protocole sur le lavage des mains on auraient pu faire un protocole sur quoi faire et qui appeler en cas de panne ou de problème avec un véhicule de l’hôpital. Se dire qu’en effet, à tous les niveaux institutionnel nous sommes parfois soumis à des ordres contradictoires et que écrire, laisser une trace de l’histoire, un petit aperçu de ce qui s’est passé, l’écrit du cri du corps, permet parfois d’en tirer quelques expériences. Notamment vérifier qu’il y a un cric quand on part avec un véhicule de mutualisation. Mais se dire aussi que c’est souvent dans l’imprévu que l’être humain fait appel à des ressources insoupçonnées ou oubliées et qu’il y a toujours quelque chose à apprendre et bien souvent à partager !

Alors, à tous les patients, patientes, infirmiers, les ide, les isp, les nouvelles promos ou les anciennes, à tous les paramédicaux psychos, educ, assistante sociale, ergothérapeute, art thérapeute, à tous les somat, psychiatres, internes, a tous les cadres, cadres sup, aux secrétaires, aux ash, aux directeurs, aux administratifs, psychomotriciens… A nous qui faisons partie du corps de l’institution. Bienvenue à SERPSY…et à vos stylos !!!

1 MARZANO (M), La philosophie du corps, PUF, Que sais-je ?, chapitre 3.

2 Ibid., p. 2

Conclusion de la journée

Anne Baqué

Je remercie tous les intervenants qui ont permis de faire vivre cette journée très riche en échanges et en questionnements quant à la façon dont le corps entre en jeu dans la relation soignante.

Un petit mot sur la pièce tout d’abord. Elle fait état d’un profond malaise dans le fonctionnement de l’équipe, m’évoquant un corps figé, contraint, sans pensée, appliquant les ordres comme celui de M. Fuentes, ce patient psychotique, cet étranger, ce voyageur aux allures christiques dont le vécu reste sourd. On pourrait ainsi considérer que ce qui est vécu par ce patient et qui ne peut être pensé, vient à se rejouer au sein de l’équipe.

En effet, chaque personnage semble isolé, parle sans se sentir écouté, comme dans un fonctionnement clivé. Les relations entre soignants, cadre et médecin s’établissent dans un rapport de force et d’agressivité, tout comme la relation entre le corps du patient et l’institution.

Dès son arrivée, ce corps apparait dans une immobilité forcée, dans un rapport de soumission. Contraint d’entrer dans l’institution, il est ensuite contraint d’en sortir, comme vomi par elle, vécu comme un parasite dont on chercherait à se débarrasser.

Cette violence perçue, faite au corps du patient, est-elle une répétition de la façon dont il s’est senti accueilli dans ce monde ? Mis de force à l’intérieur d’un corps maternel puis éjecté de ce corps comme un déchet, un parasite ? L’institution joue-t-elle ici le rôle d’une toute puissance maternelle? La pièce vient mettre en scène un vécu de l’ordre de l’insupportable.

Le vécu du patient entre par ailleurs en résonnance avec celui de Carmen, où plutôt avec les traces qui lui ont été transmises du vécu de persécution de son grand père. Il s’agit d’une trace corporelle où face à l’insupportable, l’engagement du corps s’inscrit dans une révolte et un exil : le déplacement du corps hors de sa patrie. Par ce rapprochement d’expérience entre Carmen et M. Fuentes, le voyage de ce dernier n’apparait pas tant pathologique que, dans la ligne de l’approche phénoménologique de J.M. Henry, comme un mouvement vital, une tentative thérapeutique de trouver une issue, une émancipation face à un mode de fonctionnement où l’être est réduit à un corps soumis, exécutant des ordres.

Tout l’intérêt d’écrire, de mettre en scène et de faire jouer cette pièce par des soignants, est de pouvoir retrouver un jeu, une circulation entre les différentes positions prises par les membres de l’équipe, de s’en approcher, d’explorer tour à tour les positions de celui qui ordonne, celui qui se tait, qui rationalise, se cache, se révolte, afin de faire se parler les différentes parties de soi jusqu’alors isolées les unes des autres. Faire de ce qui est vécu comme insupportable une œuvre, une création, c’est aussi relancer et maintenir notre capacité à rester soignants.

On pourrait aussi rêver d’autres fins à ce scénario compte tenu de tout ce qui a été apporté durant cette journée. Imaginons que ce patient aurait pu venir exprimer son vécu au sein d’une médiation corporelle, comme la psychomotricité, la relaxation, la danse ou la peinture, où il aurait pu se déplacer, se mouvoir, d’un espace à l’autre en dehors d’un rapport contraint, et ainsi peut être réécrire l’histoire autrement.

Le soin auprès de patients psychotiques met l’accent sur l’importance d’une clinique qui s’enracine dans le vécu corporel, car au-delà du langage verbal, il y a surtout ce qui ne peut se dire avec des mots, ce qui est vécu par le corps du patient et ce que cela nous fait vivre, comme souvent, un mouvement intérieur qui s’arrête ou se désorganise, une pensée qui se fige ou qui perd le fil.

Les ateliers d’ergothérapie, de psychomotricité, et d’art thérapie, comme la peinture et la danse qui ont été présentés aujourd’hui, partent justement des ressentis intérieurs et de leur mise en mouvement. On peut dire alors « Au commencement était le geste », qui est un cri du corps, une expression de soi aux autres qui attend d’être reçue, soutenue par un regard, une présence. Le mouvement peut alors se répéter, se prolonger, se déplier et construire une forme, laisser une trace d’une « empreinte effacée » (V. Defiolles).

Ces différentes interventions font ressortir à mon sens quatre points essentiels dans la relation thérapeutique.

1 Le travail sur le schéma corporel et l’image du corps

2 La recherche sur la justesse et l’authenticité des ressentis et des mouvements

3 L’importance de la proximité des corps

4 L’engagement et l’accordage soignant-soigné

Je les reprends donc ici.

1. L’image du corps dans la psychose prend différentes formes : se vider, se morceler, tomber sans fin, se sentir intrusé, violé, piqué, transpercé, ne plus habiter son corps, se sentir jeté hors de lui, avoir un corps tout puissant ou au contraire, pourri. Toutes ces formules sont déjà des représentations qui font référence à une limite corporelle poreuse, instable, floue, effractée qui se vit comme une confusion entre ce qui vient de l’intérieur et de l’extérieur. C’est comme si une coupure entre soi et l’autre ne pouvait s’inscrire, une coupure qui permettrait de nous mettre en rapport, d’éviter la confusion.

Si les concepts d’image du corps et de schéma corporel ne se recouvrent pas, ils ne vont pas sans interagir. L’image du corps se construit avec le vécu et les expériences du sujet. Elle est donc en perpétuel remaniement avec un travail sur le schéma corporel, sur notre proprioception, c’est-à-dire notre capacité à percevoir notre corps dans l’espace.

Les médiations corporelles exercent notre capacité à nous sentir habiter notre corps comme un lieu à être.

Il est intéressant d’entendre les patients en parler eux-mêmes dans l’intervention de Sabrina Bouttier. Ils utilisent des termes fondés sur le registre des sensations (sentir, être), où le rapport au temps est celui du présent : « J’étais fatiguée, maintenant je suis en forme », dit l’une des patientes ; cela témoigne qu’une présence à soi et au monde se construit et trouve une forme dans l’ici et maintenant.

2. Le second point que je souligne est l’importance de la justesse et de l’authenticité.

Ces ateliers proposent de laisser venir le mouvement, de se laisser surprendre par lui, « de danser ce qui nous traverse », disait Shanti Rouvier,  et « de laisser advenir un mouvement qui laisse une trace sur un tableau » dans la performance de Virginie Giraud et Valérie Leroux.

On ne cherche pas à faire beau, mais à suivre ce que l’on ressent comme juste. On cherche à relier nos émotions à nos gestes et postures. Le beau nait de cette authenticité et non de la recherche du beau en tant qu’objet.

Cette idée est fondamentale à mon sens ; c’est une invitation à la justesse, à l’authenticité du vécu. C’est précisément ce qui vient nous toucher dans toute création artistique comme dans la relation thérapeutique, où tout jugement de bien ou mal, de normal ou de pathologique, s’écarte face à une forme de vérité de l’être. L’enchaînement des mouvements et postures du corps comme lieu de nos traces inconscientes peut alors venir se raconter, se déplier et transformer un vécu corporel. La création d’une œuvre, en effet, n’est pas seulement un retour au même, une expression de soi, mais aussi une quête à être qui n’est pas là d’avance, qui vient se construire dans la rencontre avec le thérapeute, avec le groupe.

Si au commencement est le dire des corps, les mots peuvent venir ensuite selon la temporalité et la personnalité de chacun. Ces discours, alors enracinés dans le corporel, facilitent un travail de cohérence entre le vécu et la pensée.

Ce qui est le plus souvent attendu en thérapie, ce n’est pas la résolution magique des problématiques ou de venir expliquer ou interpréter la souffrance, c’est avant tout à mon sens que l’expression de soi à un autre puisse être perçue, reçue, reconnue, que ce langage adressé à un autre est une demande d’amour, comme disait Lacan, qui n’est autre qu’une demande de reconnaissance de notre être.

Pour cela, il s’agit de se tenir debout face à l’autre avec l’intention de rendre intelligible le dire des corps, d’en saisir ensemble le vécu et le sens émotionnel.

C’est ce dont témoigne Leila dans son parcours de danse : « Là où les mots sont impuissants, c’est comme une reconnexion qui s’est produite pendant ces moments où j’acceptais de me montrer souffrante de l’état d’être. »

C’est aussi ce que propose l’approche phénoménologique qui nous permet d’essayer de comprendre l’autre en rapprochant nos expériences sensibles.

L’exemple est pris du voyage dit « pathologique » dans la schizophrénie à partir de ce qui s’engage dans tout voyage, à savoir l’expérience d’un déplacement du corps dans un autre environnement et celle d’un décentrement subjectif. Le voyage s’organise comme une rupture avec une quotidienneté où se dessinent de façon singulière ce à quoi on tente d’échapper, ce que l’on recherche, ce que l’on tente de découvrir et qui n’est pas encore là. Le questionnement identitaire est central et exploré par des vécus à la fois de liberté et de limites. La typologie des voyageurs schizophrènes montre qu’il s’agit d’un mouvement vers une issue, une tentative d’émancipation, une volonté de se soustraire à ce qui est vécu comme aliénant et de venir éprouver dans les rencontres les frontières de ce que nous sommes.

3. Ce qui m’amène à ce troisième point qui relie les différentes interventions : la proximité. La mise en présence des corps est ici une dimension essentielle. Les médiations corporelles réduisent la distance entre les corps, et l’on n’a pas peur de s’approcher, de faire fonction de ce que Freud appelait « être humain proche ». C’est en effet au contact de l’être humain proche que l’être humain apprend à se reconnaitre. La construction de notre première peau, de nos limites corporelles se construit au contact physique de notre corps avec celui d’un autre, en capacité d’être présent à nous dans l’ici et maintenant.

Dans un monde où nos merveilleux outils de communication éloignent toujours plus les corps les uns des autres et érodent sans doute nos capacités à nous rendre présents et proches dans l’ici et maintenant, les approches corporelles permettent de trouver, de retrouver, de se rapprocher de ce qu’il y a d’humain dans la relation à l’autre.

4. Le dernier point que je souhaitais souligner, c’est le travail d’engagement et d’accordage entre patients et soignants.

Ce qui est perçu comme intérieur ou extérieur à soi dépend de la façon dont on perçoit l’écho, la réponse à un cri. En d’autres termes, on ne peut s’approprier ce cri que si celui-ci est reçu, produit un effet chez l’autre et lui est renvoyé sous une forme métabolisée, qui vient faire trace, une « empreinte contenante » (selon l’expression de Véronique Defiolles).

Les êtres sont là, et la question du comment on s’articule les uns aux autres est bien la plus essentielle dans nos pratiques cliniques. L’attention se porte non sur un résultat mais sur la façon dont la forme prend forme. Cela fonctionne un peu comme le « Squiggle » de Winnicott, c’est-à-dire que l’un amorce un geste, une trace et l’autre la poursuit et ainsi de suite. C’est un récit qui donne une forme à la rencontre. Ces co-créations, qu’elles soient graphiques, dansées, sculptées, parlées, sont une écriture, une transformation, une façon de passer du cri à l’écrit qui fait appel à la singularité de chaque rencontre.

« C’est de l’échange que peut surgir l’inspiration, comme la nécessité humaine d’apprendre l’un de l’autre », disait Salomon Resnik en 2001 dans La relation de compréhension dans la psychose.

C’est ici que se pose en effet la question de l’engagement du corps du soignant dans le processus. Que faisons-nous de notre corps face à celui du patient ?

Ce positionnement est tout à fait singulier : il est le reflet de notre façon d’être, de notre parcours, de nos formations, de notre cadre de référence, de nos expériences, de nos richesses et de nos points de fragilité. Ce qui nous touche chez l’autre est une résonnance de notre propre vécu. Etre en capacité de l’identifier nous ramène aux chemins qui nous ont permis de le traverser et d’en transmettre alors non pas une solution, mais une façon de se positionner pour laisser le patient être en capacité de créer, avec nous, son propre chemin, car comme disait Parménide, « unique pourtant reste le dire du chemin qui mène là-bas, devant qu’il est ».

Conclusion

Voici une journée qui vient redonner de l’élan ! Le soin en psychiatrie s’ouvre sur le domaine de l’art, sur les potentialités créatives de chaque être lorsqu’il se met à l’écoute de ses ressentis, de ses émotions, lorsqu’il se laisse surprendre par ses mouvements et postures. L’art est une pratique, celle de tout soignant-artisan, qui à partir des dysfonctionnements du quotidien sait se laisser surprendre, rire, imaginer, inventer, créer avec les patients des aventures qui articulent nos désirs. C’est ainsi que je perçois le récit du « coup de la panne » de Julie Cubells, qui met en avant l’importance de la créativité soignante.

La panne symbolise pour moi une coupure, une limite qui vient mettre en rapport les singularités des patients et des soignants. Cet évènement, qui surprend et déclenche le rire, permet la rencontre, la co-construction d’un récit où chacun est avant tout sujet avant d’être soigné ou soignant.

C’est bien souvent dans la surprise, l’adversité, que l’authenticité de nos désirs vient à se vivre, en marge des sentiers battus et des protocoles.

Le rire ensemble, avec l’autre, est souvent présent au sein de nos pratiques, mais il n’est peut-être pas pris au sérieux quant à sa puissance thérapeutique. Ce cri si singulier, si humain, si violent aussi selon Bergson, et aussi sacré (« J’ai canonisé le rire », écrivait Nietzsche dans la Naissance de la Tragédie), peut-il venir faire trace d’une coupure entre soi et l’autre qui rend possible, un peu comme par magie, une articulation de nos façons d’être au monde ?

Je vous propose pour l’année qui vient d’apporter nos témoignages et réflexions sur la fonction thérapeutique de la surprise et du rire, d’observer et d’être à l’écoute de nos ressources et de notre potentiel thérapeutique dans la relation soignante.

Je remercie encore tous les intervenants pour la qualité de leur travail et tous ceux qui ont participé à l’organisation de cette septième journée Serpsy Paca. Enfin, je vous remercie tous pour votre présence et vos échanges qui nourrissent notre engagement dans le soin en psychiatrie.

Très bonne soirée à toutes et tous, et à l’année prochaine sous le signe du rire et de la surprise !

Film et débats

En collaboration avec l’association Serpsy (Soins études et recherche en psychiatrie), la séance du mardi 11 septembre à 20h00 sera suivie d’une discussion avec Stéphanie Brahim, Madeleine Jimena Friard, Dominique Friard, tous trois infirmiers psychiatriques.

DE CHAQUE INSTANT

Écrit et réalisé par Nicolas PHILIBERT – documentaire France 2018 1h45 –

Du 29/07/18 au 25/09/18

 

 

http://www.cinemas-utopia.org/avignon/index.php?id=4254&mode=film

Les journées folles

27 et 28 septembre 2018

Un festival de talents et de rencontres ! Le concept ? L’art et la culture comme facteurs de liens sociaux et outils privilégiés de lutte contre l’exclusion. Des personnes qui ont traversé des moments difficiles croisent des artistes. Pour sa 4édition, le festival les Journées Folles nous propose des artistes d’horizons différents, avec, entre autres, la musique de Radio Babel Marseille, de Laurent Cervera et Samuel Taïeb, la danse de Justin et Florent et du trio « Un peu plus de 3 » et le théâtre des Insensés et de l’atelier de Mars.

Le jeudi de 9h à 17h Danse & théâtre
Le vendredi à partir de 14h Débat/table ronde autour du rêve et de l’amour & musique jusqu’à 21h.

Réservations conseillées > 07 67 25 12 46 04 96 13 04 70 • Mail : loublaifestival@gmail.com

 

https://www.toursky.fr/evenement/les-journees-folles/

 

 

 

Pratiques de la consultation psychanalytique – Colloque 22 septembre

1er Colloque du Pôle Psychanalytique en partenariat avec la Société Psychanalytique de Paris

Qu’est-ce qu’une consultation psychanalytique ? Permettre à un patient de rencontrer dès le début certains de ses processus psychiques inconscients et décider avec lui de transformer ou non cette rencontre en un des traitements psychanalytiques possibles ? Mais alors beaucoup de questions !
Peut-on en effet parler de « consultation psychanalytique » au singulier ? Existe-il une assise commune à la diversité des références théorico-pratiques progressivement élaborées depuis plus de 50 ans dans des cadres de traitements et avec des patients différents ?
Si la rencontre avec l’inconscient semble féconde et si la personne du psychanalyste qui l’a permise n’est pas celle avec laquelle s’engagera le traitement à venir, que devient le transfert ? En d’autres termes comment concilier les notions de consultation psychanalytique et d’entretien préliminaire ?

Quatre centres de références désormais associés au sein du Pôle Psychanalytique de l’ASM13, le Centre Alfred Binet, le Centre Kestemberg, l’Institut de psychosomatique, le Centre de Consultations et de Traitements Psychanalytiques Jean Favreau, ont accepté de confronter sur ce thème de la Consultation psychanalytique, leurs options respectives au cours de deux demi-journées d’échanges.

à lire sur :

http://www.asm13.org/les-consultations-du-pole-psychanalytique

 

«20e Journée de psychopathologie du nourrisson : La psychanalyse et le bébé aujourd’hui »

LA PSYCHANALYSE ET LE BÉBÉ AUJOURD’HUI

20e Journée de psychopathologie du nourrisson organisée par l’Association de Santé Mentale du 13e arrondissement (ASM 13) 

http://www.asm13.org/20e-Journee-de-psychopathologie-du-nourrisson

Lien Inscription 

Rens. :- Mme Favier, tél : 01 40 77 43 18, ingrid.favier@asm13.org

– Mme Di Carlo, tél. : 01 40 77 43 17, sophie.dicarlo@asm13.org

http://www.asm13.org/IMG/pdf/bi_-_colloque_la_psychanalyse_et_le_bebe_aujourd_hui_psy13.pdf

 

 

Rencontre des Hôpitaux de Jour pour Adultes

 

Jeudi 12 Avril 2018 aura lieu la première « Rencontre des Hôpitaux de Jour pour Adultes ».

Nous échangerons sur la diversité de nos pratiques cliniques en psychiatrie, dans des espaces thérapeutiques d’accueil à temps partiel.

Nous avons, pour cette journée, réuni plusieurs types de structures de soins associatives parisiennes, que sont l’ASM13, l’Élan Retrouvé, la SPASM et l’ESMPI-MGEN.

Chacune de ces institutions viendra raconter son quotidien auprès de patients nécessitant de longs et difficiles accompagnements.

Cette rencontre sera aussi l’occasion de questionner notre autonomie, notre liberté de demeurer créatifs, avec nos outils psychiatriques et psychanalytiques, ceux de la psychothérapie institutionnelle, et leur pertinence actuelle au regard des exigences de l’ARS et de la réorganisation des soins.

http://www.asm13.org/rencontre-des-hopitaux-de-jour-adultes

 

 

 

 

La méningite des poireaux

http://lameningitedespoireaux.blogspot.fr/p/calendrier.html

La Méningite des poireaux nous embarque en mots et en musique dans le tourbillon de la vie sanchopanchesque du Dr Tosquelles. Le révolutionnaire de la psychiatrie, le pourfendeur des idées reçues, l’ouvreur d’esprits et de paupières. La Méningite est de ces (rares) spectacles qui nous transforment, pour de bon, immédiatement. C’est quoi la folie ? C’est quoi être fou ? Folle ? Peut-être rien d’autre que la vie finalement.

Avec La Méningite des poireaux, Frédéric Naud boucle sa seconde. Trois spectacles pour interroger les normes mentales, regarder avec des yeux neufs celles ou ceux que nous considérons comme « fous » ou « folles », celles  et ceux qui ne rentrent pas dans les cases et finalement faire éclater nos préjugés dans un grand éclat de rire ou d’étonnement. Le pari de Frédéric Naud était risqué, d’aucun disait, totalement fou. Le résultat est un miracle de théâtre et d’intelligence collective. Toutes les belles idées sont des idées folles !