Poèmes quasi-érotiques

Une lecture musicale de Simone Molina et Pierre Fayolle

« Elle au mitan d’un lit
Oublie sa source
Gronde sous roche sous rocaille » (1)
La voix tour à tour chuchote et se déploie.
La petite Salle du Marquis est comble, il a fallu rajouter des chaises. Ce samedi 9 mars, à
Velleron, un vieux village du Vaucluse, dans la maison des associations, on célèbre la
Journée Internationale des droits de la femme par une lecture musicale. Simone. La salle
est comble et j’ai la sensation qu’elle ne s’adresse qu’à moi. Sa voix chuchote dans le
micro. Des choses intimes ou qui semblent l’être : « Langue furtive se perd entre givre et
brûlure d’un trop de dit ». (1) Pierre Fayolle, à la contrebasse, lui répond, l’enlace, se tait,
percute, reprend son archet et donne un baiser aux Accord’Amours et aux quelques
autres poèmes quasi-érotiques que Simone distille. Merveilleuse voix du bois et des
cordes, des doigts qui pincent et caressent les cordes. Elle, c’est Simone Molina.
« Elle
Efface la fenaison
Les saisons dévastées
Les plaintes qui hantent alentour » (1)
Une partie de moi réalise que je ne sais pas grand-chose d’elle. Nous avons fait
connaissance au cinéma, à L’Utopia, en Avignon. Elle animait une rencontre-débat
autour du film Rester vivant méthode. La gazette de l’Utopia indiquait simplement,
psychanalyste et présidente du Point de Capiton. J’avais entendu parler d’elle par des
collègues de Montfavet et de serpsy. Ils m’avaient parlé d’une femme engagée, d’une
psychanalyste et de son implication dans la vie culturelle de la ville. Le film parlait de lui-
même. Un poète mort n’écrit plus, alors il faut rester vivant. Revenir à la souffrance pour

continuer à écrire, composer, peindre. Robert Combas, Iggy Pop, Houellebecq, Claire
Bourdin et Jérôme Tessier partageaient leur chemin de vie et de création avec cette idée
qu’il faut être à l’écoute de soi et du monde pour rester vivant. Depuis nous sommes en
lien. Nos deux associations se sont rapprochées. Nous échangeons des informations sur
nos projets respectifs. J’ai même été invité à l’Assemblée Générale du Point de Capiton.
J’y ai présenté l’association serpsy. Un lien.
« Elle
Au lit
Et Hildegarde se pâme
Au chant du ménestrel » (1)
Des images naissent. Qui donc est cette Hildegarde ? Sûrement pas Hildegarde Peplau,
théoricienne du soin aux Etats-Unis, elle mit la relation au cœur du soin. La France
l’ignore. Hildegarde de Bingen ? Ce serait raccord avec la journée des droits de la femme.
Une bénédictine, une sainte au milieu de poèmes quasi-érotiques ? Compositrice, femme
de lettres, quatrième docteur de l’église après Catherine de Sienne et les deux Thérèse ?
Je me retrouve plongé au XII ème siècle. Je me rêve ménestrel. Je voyage bercé par les mots
de Simone, leur musique, les arabesques de la contrebasse. Mon tapis volant me mène
vers Bagdad, Samarkand. J’entends l’oud et le nay. Darbouka et qanûn les rejoignent.
Des musiques arabo-andalouses m’envoutent et me transportent dans un univers de
soieries et de loukoums.
« Elle et lui
Au lit
A l’envers du temps » (1)
La poésie vivante, vibrante de Simone m’emmène vers des rivages inconnus. Elle sait la
puissance de la parole qui apaise et nourrit la révolte. Elle sait ces mots que l’on pose sur
une feuille de papier et qui embrasent un monde. Ils naissent de l’écoute et du silence
que l’on fait en soi. Elle sait ce pas à pas du stylo ou du clavier qui s’acharne à décrire
l’oppression, à la donner à entendre jusque dans le ton de la voix et le rythme des
phrases.

1- Molina (S), Voile blanche sur fond d’écran, Ed La tête à l’envers, 2016.

Dominique Friard